Violences des mineurs : « sursaut d’autorité », internats, élèves perturbateurs… ce qu’il faut retenir du discours de Gabriel Attal


18 avril 2024

Le Premier ministre se trouve ce jeudi matin en Essonne, dans la ville où le jeune Shemseddine a été battu à mort après la sortie de son collège, pour évoquer le sujet de « l’autorité » avec un volet judiciaire et un autre sur le rôle de l’école.

Rien, dans ce déplacement, n’a été laissé au hasard. Ni la ville, récemment marquée par la mort de Shemseddine, 15 ans, passé à tabac près de son collège, ni le thème de son discours, sur « l’autorité au cœur de la République ».

Pour son centième jour à Matignon, accompagné des ministres Nicole Belloubet (Éducation) et Éric Dupond-Moretti (Justice), de la ministre déléguée Sarah El Haïry (Enfance, Jeunesse, Familles) et de la secrétaire d’État Sabrina Agresti-Roubache (Ville et Citoyenneté), Gabriel Attal a tenu, ce jeudi à 11 heures, un long discours devant le parvis de l’hôtel de ville de Viry-Châtillon (Essonne).

Vers un « sursaut d’autorité »

Le locataire de Matignon a d’abord tenté d’expliquer la violence qui touche une partie des adolescents. Pour lui, les parents ont un rôle à jouer et une responsabilité. Le Premier ministre a notamment cité le rôle des réseaux sociaux, « l’entrisme d’idéologie », un repli de soi, mais aussi « la faiblesse de nos réponses passées » qui laissent croire à un échec de l’autorité.

Il a également déploré l’« addiction d’une partie de nos adolescents à la violence », appelant en conséquence à « un vrai sursaut d’autorité » pour « inverser cette forme de spirale de l’affaissement de l’autorité ».

« Il y a deux fois plus d’adolescents impliqués pour coups et blessures, quatre fois plus pour trafic de drogue, et sept fois plus dans les vols avec armes que dans la population générale », a énuméré le Premier ministre.

« Responsabiliser les parents démissionnaires »

Gabriel Attal veut miser sur l’éducation pour éviter que les jeunes « tombent dans la délinquance ». Il promet d’aider les parents et notamment les mères seules et de « responsabiliser les parents démissionnaires », y compris le parent ayant quitté le foyer, en leur demandant de participer conjointement à la réparation des dégâts causés par son enfant.

Il évoque la mise en place de travaux d’intérêt général pour les parents qui se soustrairaient à leurs obligations parentales. Si ces derniers n’ont pas incité leur enfant à se rendre à une convocation judiciaire, ils pourraient par ailleurs écoper d’une amende.

Les internats, pour prendre « le mal à la racine »

Autre annonce : le Premier ministre veut obliger les élèves à être présents à l’école entre 8 heures et 18 heures, « en particulier dans les quartiers prioritaires ». Il souhaite aussi mette à profit un travail fait ces dernières semaines sur les internats, où il veut que les jeunes puissent être envoyés en cas de dérive, « contre la spirale de la délinquance »

« Huit semaines » pour faire aboutir le « travail collectif »

Gabriel Attal laisse au gouvernement huit semaines pour effectuer un travail collectif, afin de trouver un « sursaut d’autorité ». Un point d’étape aura lieu dans quatre semaines. « Tout le monde sera mis autour de la table pour conduire un travail scientifique, politique et technique », a clamé le Premier ministre.

Des mesures « dans les classes »

Ce dernier souligne aussi le rôle de l’éducation dans la lutte contre la délinquance. D’un point de vue sécuritaire, il dit vouloir « protéger les écoles et leurs abords ». Mais il juge aussi que « la bataille de l’autorité se gagne dans les classes ». Or « pour être respectée, une règle doit être comprise », assure le Premier ministre.

Les perturbateurs « sanctionnés » dans l’obtention de leurs diplômes

Il réclame ainsi la mise en place à la prochaine rentrée de mesures de bon sens : « Se lever quand un prof rentre dans la classe, faire participer les élèves aux tâches communes dès leur plus jeune âge », notamment. Gabriel Attal propose aussi une mesure sur laquelle la concertation initiée se penchera : faire inscrire une mention dans les dossiers des élèves perturbateurs.

En clair, les élèves perturbateurs seront « sanctionnés » dans l’obtention de leurs diplômes, a annoncé Gabriel Attal, avec une mention « fauteur de trouble » inscrite dans le dossier Parcoursup des élèves mis en cause.

Un plan de lutte contre les stupéfiants

« Lutter contre la dérive d’une partie de notre jeunesse c’est lutter contre la drogue », affirme Gabriel Attal qui promet un nouveau plan de lutte contre les stupéfiants, en faisant référence aux plans « place nette XXL », en cours depuis le mois de mars en France.

Comparutions immédiates et travaux éducatifs

Gabriel Attal propose également « que les jeunes qui partent à la dérive assistent à une comparution immédiate », pour comprendre les règles. Il annonce aussi que la circulaire sur les mesures de travaux éducatifs, l’équivalent des travaux d’intérêt général pour les mineurs de moins de 15 ans, sera signée dans les prochains jours pour une entrée en vigueur après les vacances de printemps. Il sera par ailleurs désormais possible d’exiger un accueil de nuit pour certains mineurs, dans des établissements de placement éducatif.

Une mesure de composition pénale spécifique

Gabriel Attal a annoncé la création d’une « mesure de composition pénale » destinée à ce que les mineurs de plus de 13 ans puissent plaider coupable. En clair, « pour certains délits, si un jeune reconnaît les faits et accepte la sanction, il sera désormais possible de la mettre en œuvre sans attendre un procès », précise son entourage. Il s’est par ailleurs dit ouvert à la piste d’une évolution de l’excuse de minorité, ainsi qu’à une réflexion sur une potentielle comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans.

Pour un contrôle des jeunes inscrits sur les réseaux sociaux

Le Premier ministre s’est également prononcé en faveur d’un contrôle « réel et efficace » de l’âge des jeunes inscrits sur les réseaux sociaux, en revenant sur sa volonté de mettre en place une majorité numérique fixée à 15 ans.

La justice et l’éducation

Ce discours était l’occasion, pour l’ancien ministre de l’Éducation, de poursuivre sur un sujet déjà mis en avant dans sa déclaration de politique générale. Le 30 janvier, devant l’Assemblée nationale, il était alors revenu sur les émeutes urbaines d’une rare violence qui avaient embrasé des villes et des quartiers au début de l’été 2023. Et avait prononcé une phrase restée dans les mémoires, qu’il a répétée ce jeudi : « tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ».

Avant de prononcer son discours ce jeudi, le Premier ministre a échangé avec les équipes et les bénéficiaires de la MJC de Viry, selon Matignon. « On a eu ici un drame terrible, on voit une forme de violence débridée », a-t-il déclaré à plusieurs adolescents rencontrés dès son arrivée sur place.

Mercredi, en Conseil des ministres, Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de se lancer dans une concertation pour trouver des solutions au « surgissement de l’ultra-violence », en particulier parmi les plus jeunes. Charge au Premier ministre de démarrer les discussions, avec les groupes parlementaires et différents acteurs, avec l’objectif d’aboutir à un projet de loi avant l’été.

La 100e journée de Gabriel Attal à Matignon se terminera par une longue interview accordée à BFMTV, dans laquelle il devrait rappeler sa méthode : faire preuve de « lucidité » et même « reconnaître » ce qui a fonctionné ou pas depuis 2017 puis « prendre des décisions » potentiellement « difficiles et radicales » et « surtout les mettre en œuvre ».